A quoi sert la « raison d’être » dans les entreprises ?

Depuis le vote de la loi PACTE en mai 2019, les entrepreneurs peuvent modifier les statuts de leur entreprise pour inscrire une raison d’être « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ».

Deux voies peuvent alors être suivies, selon Jean-Florent Rerolle et Bertand Valiorgue dans un article publié sur le site de la Harvard Business Review : celle qui mène à des déceptions et des impasses et celle qui fera de la raison d’être la clé de voute d’un véritable projet stratégique.

Pour les auteurs, la raison d’être désigne « une ambition d’intérêt général qu’entendent poursuivre les dirigeants ». Exemple de l’entreprise agroalimentaire familiale Nutriset : « Apporter des propositions efficaces aux problématiques de nutrition/malnutrition des enfants ». « A travers les raisons d’être qu’elles choisissent, les entreprises se positionnent sur des questions d’intérêt général ou des enjeux qui vont au-delà de la recherche du profit à court terme. La notion de lucrativité ne disparaît pas, mais l’entreprise se donne pour objectif d’associer résultats économiques et missions d’intérêt général. Missions qui vont se matérialiser par la formalisation et la prise en compte d’objectifs sociaux et environnementaux : diminution de l’empreinte écologique, amélioration des conditions de travail, revitalisation d’un territoire, etc. »

Le danger survient alors avec les risques d’instrumentalisation

Si la définition de la raison d’être devient une campagne de communication, cela peut se retourner contre l’entreprise et ses dirigeants. Avec le risque de passer rapidement de l’enthousiasme à la déception et que l’entreprise perde sa crédibilité. Pour les auteurs, « Les raisons d’être trop rapidement déterminées ou mal formulées risquent de placer les entreprises dans une impasse. Le sursaut de légitimité s’abimera dans un exercice de reformulation et de rétropédalage ou il faudra expliquer aux actionnaires et aux parties prenantes que l’on s’est initialement trompé dans la formulation de ce qui constitue l’ADN de l’entreprise. »

Le danger Harry Potter

La démarche de raison d’être n’est pas non plus « une solution miracle à toutes les problématiques de l’entreprise », ni une « baguette magique qui lui permettrait de renforcer sa marque employeur, d’amadouer les actionnaires, de générer de nouveaux débouchés commerciaux ou encore de mieux collaborer avec les parties prenantes. […] Si elle ne sert pas à nourrir le projet stratégique, la raison d’être peut vite se transformer en gadget managérial »

Une formulation essentielle

Une raison d’être « n’est donc pas un acte banal car elle constitue le socle du cas d’investissement proposé aux actionnaires. Dans la mesure où elle détermine également l’identité de l’entreprise et sa contribution à l’intérêt général, il est difficile d’en modifier la formulation a posteriori. Pour qu’elle ait un sens et une portée réelle, elle doit être la clé de voûte d’un projet stratégique sur le long terme. Elle peut, le cas échéant, servir de moteur à une bifurcation d’activité en apportant des solutions à des problèmes de société. »

Le professeur de stratégie Todd Zenger a identifié les trois piliers susceptibles de donner de la consistance et de la matérialité à une raison d’être.

L’intention stratégique 

« Affirmer une raison d’être implique de définir ou de redéfinir son « intention stratégique » et les objectifs poursuivis. Il ne s’agit plus seulement de revendiquer la consolidation d’un avantage concurrentiel et d’affirmer une position au sein d’un marché défini mais bien de proposer une contribution d’intérêt général au sein d’un secteur donné en fonction d’hypothèses macroéconomiques, sociologiques ou sociétales. » Exemple avec le rôle qu’Emmanuel Faber, ex-PDG de Danone, entendait faire jouer à son groupe au sujet de la souveraineté alimentaire. A travers cette intention stratégique, il positionnait son entreprise par rapport à un défi sociétal de première nécessité.

Les actifs stratégiques

Pour les auteurs, la formulation de la raison d’être ne doit pas s’arrêter à un exercice rhétorique. « Elle doit être le moteur d’une mise en mouvement de l’organisation. Celle-ci passe en priorité par un inventaire des actifs stratégiques tangibles et intangibles de l’entreprise et leur mise en tension. Assurer par exemple la souveraineté alimentaire des territoires passe par une nouvelle organisation et des capacités d’action renouvelées. Les dirigeants qui n’arrimeront pas l’inscription de la raison d’être à un diagnostic interne des actifs stratégiques auront toutes les peines du monde à remplir la mission qu’ils ont fixé à leurs entreprises. » Et de citer le travail de la MAIF en exemple, qui a « déjà entamé un travail de fond sur la culture de son entreprise, son modèle économique, son management et les futurs outils sur lesquels l’entreprise va assoir son développement. »

La relation avec les parties prenantes

Pour les auteurs, « Poursuivre une mission d’intérêt général nécessite de repenser les frontières de l’entreprise et les interactions avec les différentes parties prenantes. […]. Inscrire une raison d’être implique de renouveler profondément les rapports entretenus avec les parties prenantes. Ce travail doit permettre de prendre la mesure des impacts de l’entreprise bien au-delà de ses frontières économiques et organisationnelles. Elle doit assumer ses externalités négatives et montrer comment elle agit pour les limiter ou les compenser. Ce travail doit également permettre d’inclure et d’exclure certaines parties prenantes, afin d’accéder à de nouvelles ressources, et d’enclencher la mise en tension de la structure et des actifs stratégiques de l’entreprise. L’inscription d’une raison d’être peut conduire, par exemple, à se séparer de certains fournisseurs en raison de leurs pratiques ou de leur utilisation de certaines matières premières, ne collant plus avec le projet de l’entreprise. Danone a par exemple lancé un projet de transformation majeur qui vise à limiter au maximum l’usage d’emballages en plastique. Cela suppose de trouver de nouveaux fournisseurs et de travailler avec des technologies nouvelles. »

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