Après le pourquoi hier, voyons comment définir la raison d’être de son entreprise

Première question : votre entreprise dispose-t-elle d’une (vraie) raison d’être ? Deuxième question : respectez-vous les deux règles d’or ? Troisième question : répondez-vous aux trois enjeux clés pour travailler et définir une raison d’être ?

 

Selon Jérôme Barthélemy, Directeur général adjoint et professeur de stratégie et management à l’ESSEC Business School, pour le savoir, il suffit souvent de poser les trois questions suivantes à son dirigeant :

  • si votre entreprise disparaissait, qui la regretterait vraiment (à part vous …) ?
  • à quels clients manquerait-elle le plus et pourquoi ?
  • combien de temps faudrait-il pour qu’un concurrent comble le vide qu’elle laisserait ?

« Lorsque les réponses sont « personne », « aucun » et « très peu de temps », l’entreprise n’a pas de raison d’être. Il est alors temps d’en formuler une … et (surtout) de la concrétiser ! »

Selon Bertrand Vialorgue, Professeur en stratégie et gouvernance des entreprises à l’IAE Clermont Auvergne, dans un article publié sur le site de la Harvard Business Review, dans le prolongement de la loi Pacte votée en 2019, les dirigeants ne poursuivent pas les mêmes objectifs et la pratique fait ressortir quatre types de raison d’être. « Ces différentes initiatives sont emblématiques d’un tâtonnement et d’un manque de clarté sur ce qu’est une raison d’être et sur la manière dont elle peut être utilisée. »

1/ La raison d’être attrape-tout

La raison d’être attrape-tout englobe un nombre important d’enjeux et s’adresse à un large éventail de parties prenantes. Tout le monde semble être en mesure d’y trouver son compte : il s’agit d’une raison d’être qui se veut consensuelle et fédératrice. La raison d’être est constituée d’une série de mots clés. Elle constitue un élément de langage supplémentaire dans la panoplie des outils de communication de l’entreprise.

2/ La raison d’être opportuniste

La raison d’être opportuniste part d’un enjeu ou d’un défi qui traverse la société et sur lequel l’entreprise entend se positionner et montrer qu’elle a une contribution importante. Cette raison d’être ne s’adresse pas directement aux parties prenantes de l’entreprise, mais au grand public. […] La raison d’être met en lien le métier de l’entreprise avec les défis sociétaux du moment. Elle montre que l’entreprise ne se trompe pas de siècle et qu’elle entend participer à des dynamiques de progrès social et environnemental. On ne voit pas, en revanche, comment cette ambition est connectée à un portefeuille de ressources et de compétences qui distinguent l’entreprise de ses concurrents et des autres acteurs de son secteur d’activité.

3/ La raison d’être qui ne mange pas de pain

La raison d’être qui ne mange pas de pain rappelle les fondements historiques de l’entreprise. Elle met en mots l’ADN de l’entreprise et l’inscrit dans les statuts. […] Ce type de raison d’être ne met pas en lumière un défi sociétal en particulier, ni en tension l’entreprise : elle réaffirme une contribution et un savoir-faire. Elle est consensuelle et suscite généralement peu de débats, aussi bien en interne qu’en externe, car elle correspond assez bien à ce qu’est et ce que fait l’entreprise à l’instant t.

4/ La raison d’être pivot

La raison d’être pivot connecte l’entreprise à un défi sociétal auquel elle entend contribuer et qui met en tension ses compétences ainsi que son modèle économique. Elle est la marque d’une ambition et d’une insatisfaction. Elle verbalise l’intention de faire pivoter l’entreprise vers un ensemble de solutions susceptibles de répondre à des besoins sociétaux ou à de grands défis, mais qui percutent les fondements de son activité. […] Cet objectif nécessite de développer des capacités d’adaptation en s’appuyant sur des compétences internes et un ensemble de solutions. La raison d’être est ici un défi à relever et une mise en mouvement de l’entreprise, qui rappelle la nécessité de se transformer. C’est ce dernier type de raison d’être qui se rapproche le plus des intentions initiales du législateur français.

Alors comment ?

Pour Jérôme Barthélemy, il n’y a pas de recette pour développer une « vraie » raison d’être. Toutefois, deux règles d’or doivent être respectées :

  • D’une part, il faut partir d’un besoin du client (non satisfait ou mal satisfait par les concurrents). La « maximisation de la valeur pour l’actionnaire » fait rarement une bonne raison d’être !
  • D’autre part, il faut rechercher la singularité.

« La raison d’être d’entreprises comme IKEA (« Proposer une vaste gamme d’articles d’ameublement, esthétiques et fonctionnels, à des prix si bas que le plus grand nombre pourra les acheter »), Google (« Organiser les informations à l’échelle mondiale dans le but de les rendre accessibles et utiles à tous ») et Nike (« Apporter l’inspiration et l’innovation à tous les athlètes dans le monde ») remplit ces deux critères. Elle leur permet de répondre à un véritable besoin. Elle les rend également uniques ».

Pour Bertrand Valiorgue, « il n’y a pas de bonne ou de mauvaise raison d’être, et les dirigeants vont s’appuyer sur cet outil pour répondre à des objectifs qui ne sont pas identiques d’une entreprise à une autre. Il semble cependant utile d’avoir en tête les trois enjeux suivants pour travailler et définir une raison d’être. »

Repérer les points d’inflexion stratégique. La notion de point d’inflexion stratégique a été popularisée par l’ancien P-DG d’Intel, Andy Grove. Elle signifie qu’au cours de son existence, une entreprise est inévitablement confrontée à des ruptures qui remettent en question ses fondamentaux. Ces points de rupture peuvent être technologiques, réglementaires, sociétaux ou environnementaux. Dans l’esprit d’Andy Grove, ces points de rupture signifient l’apparition de nouvelles opportunités ou tout simplement la fin de la partie pour l’entreprise dont les compétences et les solutions deviennent progressivement obsolètes. Ces points d’inflexions stratégiques sont rarement exprimés de manière claire et explicite. Pour être repérés, il est important d’être attentif aux signaux faibles qui se manifestent dans l’environnement. La raison d’être de l’entreprise doit être reliée à ces points d’inflexions stratégiques qui, d’une manière ou d’une autre, vont venir percuter l’activité de l’entreprise dans un avenir plus ou moins proche. […] La raison d’être exprime le fait que les pratiques, les habitudes et les technologies sont en train de profondément changer l’environnement de l’entreprise et que cette dernière doit nécessairement procéder à des ajustements.

Parler à l’interne comme à l’externe. Les dirigeants semblent hésiter quant aux cibles visées par la raison d’être de leur entreprise. Convient-il de parler aux salariés, aux différentes parties prenantes ou au grand public ? Ces trois cibles sont effectivement importantes. La raison d’être doit être formulée de manière à être signifiante pour chacune d’entre elle, en formant un récit cohérent et consistant qui part des évolutions sociétales, interpelle les parties prenantes de l’entreprise et concerne au premier plan les salariés.

Questionner les expertises et les savoir-faire. La raison d’être doit, d’une manière ou une autre, être reliée aux compétences et au savoir-faire de l’entreprise. Elle doit les mettre en tension et souligner la nécessité de leur évolution pour s’adapter aux transformations repérées dans l’environnement. La raison d’être […] véhicule un questionnement sur les pratiques, les technologies et les compétences de l’entreprise. Elle est l’expression d’un droit d’inventaire et d’un questionnement de fond. Que sait faire l’entreprise ? Que doit-elle apprendre ? Que doit-elle arrêter de faire ? La raison d’être est l’occasion de dresser un constat lucide sur l’état des compétences de l’entreprise.

La prise en compte de ces trois enjeux permet de stabiliser une première définition que chacun pourra contester et enrichir. La raison d’être combine trois dimensions :

  • elle est une représentation consistante et cohérente de ce que veut faire l’entreprise ;
  • elle exprime une volonté d’apporter des solutions concrètes aux défis contemporains qui remettent en cause les fondements de son activité économique ;
  • elle implique l’ensemble des parties prenantes et induit un questionnement sur le cœur de métier de l’entreprise et son portefeuille de ressources et de compétences.

Conclusion : les dangers de la simple opération de communication

Toujours selon Bertrand Valiorgue, « le questionnement sur la raison d’être n’a de sens que dans le cadre d’un projet de transformation de grande ampleur. C’est parce qu’il y a une accumulation de signaux faibles dans l’environnement qui montrent que les attentes changent et qui fragilisent les fondamentaux de l’entreprise que la raison d’être prend un réel intérêt. Dans cette situation, la raison d’être englobe des interrogations de fond sur la contribution de l’entreprise à la vie de la cité, sur la qualité des relations qu’elle entretient avec ses parties prenantes et sur tout ce qu’elle sait faire ou devrait savoir faire. Elle implique une introspection de l’ensemble du corps social et ne peut en aucun cas se réduire à une simple question statutaire. En dehors de cette logique d’introspection et de bifurcation, la raison d’être glisse très facilement vers un simple outil de communication dont les gains à court terme doivent sérieusement être évalués par rapport aux effets boomerang qu’elle peut générer. »

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